« Messieurs, veuillez vous découvrir ». Ainsi s’adressait le capitaine Haddock aux Dupondt, dont les calculs erronés plaçaient le chalutier Sirius en plein cœur de la basilique Saint-Pierre de Rome. Si le rhum (de Jamaïque) est au cœur de la chasse au trésor de Rackham le rouge, c’est qu’il entretient depuis bien longtemps d’étroits rapports avec les gars de la Marine.
En Hollande, en France, en Angleterre, l’histoire de cette eau de vie est bien souvent liée à celle des ports de commerce et de ses personnages. Dans chaque tableau de Vermeer, dans les cales des frégates de la Marine royale ou sur les ponts de la Royal Navy, toujours se cache un tonneau en provenance des caraïbes.
Trinité-et-Tobago, Rhum de Mélasse
Pourtant, jamais ailleurs qu’au Royaume-Uni ce lien ne fut si intime. Les représentations populaires et les chansons de marins évoquant le rhum sont innombrables. Mais il est un traumatisme, un jour maudit que tout le monde connait, mais dont personne ne parle.
Le 31 juillet 1970, la Marine était en noir. En ce jour funeste, la Royal Navy faisait le deuil du « tot », la ration de rhum quotidienne allouée à ses marins. Des jours fastes du XVIIe siècle, il ne restait déjà presque rien. Quelques membres du Parlement britannique eurent définitivement raison de cette joyeuse allocation par un vote lors d’un débat qui restera dans l’Histoire comme le « Great rum debate ».
A 11 heures du matin ce jour-là, les hommes d’équipage se virent attribuer leur dernière ration officielle. Des brassards noirs furent portés, de faux cortèges mortuaires furent observés, certaines rations furent jetées en mer. Un jour de deuil, vous dit-on. Messieurs, veuillez vous découvrir.